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jeudi 21 avril 2011

Contes et légendes de Troufignan : "Le bourgmestre et les chacals"

Il était une fois, dans un pays fort lointain, bien sûr, un petit village de montagne niché au cœur d'une verte vallée que surplombait des pics orgueilleux. C'était le village de "Troufignan",
Le début des sports d'hiver avait impulsé la création d'un village touristique en altitude, à qui l'on avait donné le nom de "Troufignan d'en haut".
Le village touristique s'étendant vers le bas, dans l'espace laissé libre entre le vieux Troufignan et Troufignan d'en haut, avait reçu le nom de "Troufignan du milieu".

Sept médecins travaillaient dans ce bourg tranquille qui se transformait quelques semaines d'hiver et d'été en une ruche bourdonnante.
Ils étaient répartis en deux groupes de trois et un tout seul.
Le premier groupe était composé de médecins qui avaient choisis le secteur 2. Ils pratiquaient la médecine générale et la traumatologie du ski.
Le second groupe était composé de médecins qui n'avaient pas pu choisir car ils étaient un peu plus jeunes que les autres. Ils étaient donc tous en secteur 1, pratiquaient également la médecine générale et la traumatologie du ski et rendaient les mêmes services que leurs confrères, mais, avec des moyens plus limités. Je sais, c'est injuste de discriminer sur l'âge, mais, que voulez-vous, dans ce pays, on n'avait que faire de la justice. Seule la loi comptait. Et la loi est souvent injuste.

Pour comble de malheur, dans ce pays, les gens croyaient que la valeur des actes de médecine pratiqués à Troufignan (ainsi qu'à Trifouilly les Oies ou à Troulala les Cocotiers) devaient être fixés à la capitale par les vizirs, les grands chambellans qui fourmillaient dans les couloirs des palais ministériels et à la cours du roi, et non pas par les médecins eux-mêmes qui en connaissaient le prix de revient.
Et comme les chambellans avaient décidé que les médecins étaient trop payés, ou qu'ils voulaient simplement les punir, on ne sait trop pourquoi, ou simplement qu'ils voulaient les faire ch.. ou comme... ...enfin bref, toujours est-il que le prix d'une consultation médicale n'augmentait que très peu depuis des années, alors que le coût de la vie, lui augmentait régulièrement. 
Quant aux actes de radiologie, ou aux actes techniques de traumatologie, eux, ils étaient bloqués depuis plus de 15 ans.

Les années passant, le groupe de médecins en secteur 2 s'adapta et augmenta chaque année un peu le prix de ses actes pour pouvoir entretenir son outil de travail.
les médecins en secteur 1, eux se trouvèrent bloqués avec des frais de plus en plus importants et une marge de moins en moins importante.
Ils se sentirent de plus en plus pauvres et découragés. 
Ils envisagèrent la solution d'aller perdre leurs enfants aux fond des bois, mais maintenant, avec leur Iphone option géolocalisation, ils auraient rapidement retrouvé leur chemin.
Ils auraient pu envoyer leurs filles vendre des allumettes dans la rue, mais les gens ont des briquets maintenant, et puis d'ailleurs il est interdit de fumer, non ? Ah bon, pas encore ? Peut-être, mais ça ne va pas tarder !

Enfin bref, cela devenait de plus en plus difficile pour les médecins en secteur 1 et la motivation se désagrégeait au fur et à mesure que les soucis d'argent grandissaient. Un premier médecin partit au SAMU, un deuxième eut un accident et arrêta, un troisième partit à la ville où l'on ne faisait plus beaucoup d'astreintes. Et à chaque départ, il était de plus en plus difficile de trouver un successeur.
Il se trouve, qu'il y a 4 ans, je fus le dernier arrivé dans ce groupe qui était maintenant un binôme et qui se retrouva dans une situation fort délicate.

Comme ils étaient très intelligents, ils allèrent voir leurs confrères en leur proposant de ne former qu'un seul groupe médical, en les rejoignant dans leur centre médical privé. Ils y gagnaient un cabinet médical. Les autres y virent la possibilité de diminuer leurs charges.
Bien sûr il faudrait se serrer un peu, mais bon, la promiscuité a du charme, parfois...
Seul problème, et de taille : La dernière salle de radiologie ne suffirait jamais à accueillir toute la traumatologie de la station pendant les quelques semaines de pointe...

Après avoir longtemps phosphoré, ils décidèrent d'en parler au bourgmestre : 
« Hola, messire bourgmestre, nous nous faisons forts d'assumer la médecine générale dans un seul centre médical, mais nous ne pourrons pas assurer la traumatologie du ski, fort utile à ta station de ski, dans ce même centre. Par contre, si tu acceptais de nous louer les locaux désaffectés qui se trouvent au pied des pistes, nous pourrions y mettre la deuxième table de radiologie, et en faisant un système de rotation, nous assurerions les secours médicaux au pied des pistes."
Les locaux du pied des pistes de ski n'avaient jamais servi. Il étaient bruts et nécessitaient quelques travaux d'aménagement : quelques cloisons, peinture, plomberie et plombage d'une salle de radiologie... travaux d'aménagement avant location, qui seraient à la charge du propriétaire : la ville de Troufignan...


Le bourgmestre réfléchit puis il se renseigna et crut comprendre qu'il y avait de l' "argent à prendre" en construisant un centre médical tout neuf. Après tout, qu'importe que cela coûte beaucoup plus cher que la solution que les médecins proposaient, du moment que ce ne soit pas Troufignan qui paye.
On fera payer, l'Europe, l'état, le conseil régional, le conseil général, la communauté de commune, la charte intercommunale, l'ARH, la DDASS (ou l'ARS), la CRAM, les UGECAM, la CPAM, la MSA, les AROMSA, les fond MIGAC... (rayer la/les mention(s) inutile(s))
Dans ce pays, il était coutumier de chercher à faire payer ses infrastructures par ..les autres. On appelait cela, obtenir des financement dans le cadre de la solidarité nationale, ou européenne ou régionale... 
Et cela plaisait beaucoup aux politiques parce qu'ils se servaient au passage sur ses transferts d'argent et parce que cela leur permettait de faire croire qu'ils servaient à quelque chose. 

Un grand conciliabule fut donc organisé dans l’hôtel de ville de Troufignan. Il y avait là des gens très importants, des maires agriculteurs de communes de 50 habitants, des conseillers généraux qui cherchaient à être sur la photo, des pharmaciens qui cherchaient à garder "leurs" prescripteurs...
Deux grands Mamamouchis de la DDASS et de l'AROMSA étaient là. Ils firent de grands discours, et de belles promesses devant un parterre de notables de province et d'élus locaux tout émoustillés  de recevoir de telles sommités : "C'est promis, dirent-ils, nous nous faisons forts d'obtenir pour la ville de Troufignan des fonds spéciaux, des fonds secrets, des fonds de culotte , des fonds ministériels ( ministériels, les fonds !!! wahou!!) afin que la ville de Troufignan se dote d'un centre de santé pluridisciplinaire digne de ce nom."


Votre serviteur (moi-même) mauvais comme une teigne, ricanait au fond de la salle, n'en croyant pas un mot. 
Après le départ des deux marionnettes et de leur aréopage, le bourgmestre, tout à son triomphe, se rapprocha de moi et m'apostropha : 
Voici la scène : 
Le maire de Troufignan - "alors, vous voyez qu'on peut travailler avec les autorités ! Ils vont nous aider !"
Moi (péremptoire) - "je n'en croit rien, monsieur le maire ! je ne leur fais aucune confiance et il faut revenir à notre projet initial!"
Le maire : - "Allons, allons, vous êtes trop défaitiste !"
Moi (cherchant une référence culturelle à la hauteur de notre premier magistrat) : -" Vous connaissez Lucky Luke?  et bien, ces visages pâles ont la langue fourchue !!!"
Le maire : " Allons, vous exagérez !"
Moi (insistant) : -"Ce sont de vrais coyotes à foie jaune! des chacals puants !"
Le maire (outré) : - "Mais enfin,  vous n'avez pas le droit de dire ça !"
Moi (innocent) : - " Ah bon ? Est qu'on doit dire des chacaux puants ?"

Trois mois plus tard, environ, une secrétaire de la DDASS, nous apprit que notre projet n'avait pas été retenu car Troufignan comptait trop de médecins. 
En clair, il fallait attendre qu'il n'y ait plus personne pour que les sacro saints FONDS soient débloqués...


Il était trop tard pour relancer l'opération "pied des pistes". La saisons avançait à grands pas. Les médecins de secteur 1 firent leur baluchon et allèrent s'installer dans la ville de St Frusquin, à 3 km, où existait encore un local plombé, laissé là par un autre médecin de montagne qui était déjà parti sous d'autres cieux. 

Quant à la ville de Troufignan, elle continue de recevoir de hauts dignitaires, dans l'espoir d'obtenir le saint Graal (des fonds pour une MSP), ce qu'elle risque d'obtenir si elle arrive à faire fuir les 4 médecins qui restent à Troufignan. Allez, encore un effort, on y est presque !







2 commentaires:

  1. bravo ! avez vous lu "le dragon" de schwartz?

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  2. Non, je ne connais pas mais je viens de voir que c'est une pièce de théatre. je vais me renseigner.
    Quel est le rapport avec mon histoire ?

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