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dimanche 15 janvier 2012

MdS, centres mutualistes et déserts médicaux

Il m'arrive de feuilleter le Quotidien du Médecin. Non pas que les informations scientifiques qu'il contient soient transcendantes, non. Ce sont plutôt les informations professionnelles qui m'intéressent dans ce torchon périodique.
Bien sûr, il n'y a pas vraiment de travail journalistique dedans. Il ne faut pas exagérer quand même. Mais en tant qu'organe de presse officiel de la bienpensance ambiante, il arrive qu'il génère quelques pépites, à son corps défendant naturellement.
Quotidien du Médecin du 13 janvier 2012, page 3 : 2 articles intéressants, juxtaposés :



A droite un encart de 2 colonnes expliques que les 11 centres de santé mutualistes des Bouches-du-Rhône sont en déficit sévère.
La mutualité française qui gère ces structures, souhaite que les médecins de ces centres acceptent le paiement à l'acte et fassent 6500 à 7000 actes par an. Les médecins, eux, souhaitent conserver leur rémunération à la fonction.
Quant aux pouvoirs publics, ils viennent de faire savoir, par la voix du préfet des Bouches-du-Rhône, qu'ils refusaient de renflouer le bouzin.
Malheureusement, le travail "journalistique" s'arrête ici.
On va donc faire de l'explication de texte.
Comment fonctionne un centre de santé mutualiste ?
Réponse : A peu près comme une maison de santé pluri-disciplinaire, à ceci près que les honoraires des professionnels qui y travaillent ne sont pas perçus par eux mêmes, mais par le centre qui s'en sert pour salarier ses professionnels : médecins, infirmiers, kiné, dentistes, personnel du secrétariat et de ménage, payer les consommables et le chauffage, l'EDF, l'eau, les impôts locaux, entretenir la structure ... (et j'en passe)
Donc, pour arriver à l'équilibre financier, un centre de santé mutualiste doit faire faire environ 7000 actes par an à ses médecins. 
A raison de 20 minutes par acte (et 20 minutes, c'est très court si l'on considère que certains actes sont chronophages, par exemple, les visites à domicile ou les consultation d'addictologie, ou le suivi des patients agés...) cela représente, pour la simple activité de soin, environ 2310 heures de travail par an. Rapporté à 220 jours de travail annuel, cela représente quand même 10h30 de soins par jour. Et on n'a pas encore commencé les taches administratives, la sacro-sainte coordination des soins et les séances d'éducation thérapeutique.
Certes, les centres de santé mutualistes ont des charges salariales sur les émoluments médicaux, supérieurs à ceux qu'un médecin libéral paye en URSSAF et en CARMF, pour un revenu net à peu près équivalent, mais ils touchent par contre un certain nombre d'aides conventionnelles et d'autres subventions provenant des organismes gestionnaires (mutualité, régimes de sécurité sociale, communes...) que ne touchent pas les libéraux .
Je pense qu'on peut néanmoins penser qu'un libéral de secteur 1, travaillant en maison de santé ou un médecin de centre de santé doivent avoir grosso modo la même activité pour équilibrer le budget de leur structure de soin : environ 6500 à 7000 actes par an. Avant de commencer les taches administratives, la coordination des soins, les enseignements thérapeutiques...
Alors, oui, il y a maintenant des financements, prévu par la loi HPST, pour différentes tâches : coordination; enseignement thérapeutique; dispositif de coopération (sic)
C'est là, sur le site de l'ARS, et franchement, je n'ai pas compris grand chose. Une sacrée usine à gaz. Ça fait très peur et je suis prêt à parier que les maisons de santé bénéficiant de ce type de rémunération lors des 5 prochaines années, se compteront sur les doigts de la main gauche de Django Reinhardt.

L'information importante de cet article, finalement, c'est qu'un médecin généraliste travaillant en secteur 1 et en maison de santé pluri-professionnelle, doit avoir une activité (en équivalent temps plein) de 6500 à 7000 actes par an pour équilibrer son budget en se sortant un salaire équivalent à celui d'un médecin salarié en centre de santé.
Techniquement, cette activité représente 10h30 de travail effectif de consultation par jour, 220 jours par an, avant de commencer les activités annexes de coordination, de gestion administrative, d'enseignement thérapeutique.
On commence à comprendre pourquoi les jeunes ne se ruent pas en masse dans le système...

A gauche de la page on trouve un articulet croquignolet qui nous narre comment la puissante FHF (fédération Hospitalière de France) envisage de résoudre le problème des déserts médicaux.
Fastoche ! Il suffit de remplacer, dans les zones désertées, les médecins généralistes défaillants par des médecins salariés des hôpitaux. (voir aussi ici, dans le JIM)
Bien sûr, pour que l’hôpital remplisse correctement cette nouvelle mission, il faudrait donner à l’hôpital public une part de l'enveloppe allouée à la médecine de ville. Comme l’hôpital consomme déjà environ 55 % du budget de la sécu, il pourrait en croquer encore plus en exportant sa gestion calamiteuse sur le terrain de la médecine ambulatoire.
Non, je n'ai absolument rien contre les médecins hospitaliers. Plusieurs de mes amis sont des praticiens hospitaliers. Je pense néanmoins que l’hôpital public est géré en dépit du bon sens et que la gestion des ressources humaines y est catastrophique, donnant des rentes de situation à des mauvais alors qu'elle décourage ceux qui se défoncent...

Il y a 3 jours, j'évoquais une évolution de la médecine ambulatoire vers une forme de fonctionnarisation masquée, ou plutôt, une mise en coupe réglée de la médecine libérale, et voilà que la FHF, organisation publique s'il en est, propose tout simplement de remplacer les libéraux  par des praticiens payés par l’hôpital.
Attention, si le projet est acté, il est peu probable que l'administration hospitalière envoie des "praticiens hospitaliers réguliers" au fond de la Creuse. Leur statu leur permettra sûrement d'éviter cette "punition".
Par contre, il sera facile d'y envoyer plus ou moins sous la menace, des médecins à diplôme étranger, algériens ou moldo-valaque, contractuels précaires, soutiers du système hospitalier, sous payés...et salariés (donc normalement aux 35 h)
Mouai... pas sûr que le service sera le même que celui assuré en ce moment par les libéraux.

Décidément. Après l'idée lumineuse de remplacer les médecins généralistes par des vétérinaires, (, et) , la proposition de loi "Vigier" visant à obliger les jeunes médecins à aller s'installer à la campagne (les jeunes médecins en parlent là), puis cette proposition grandiose, nos politique ont de l'idée !
Bon, moi cela ne me rassure pas sur l'avenir de mon métier.

Quoi qu'il en soit, la question du financement de la médecine de premier recours se pose avec une acuitée... aigue !
Faut-il pour autant accepter ces plans foireux qui, du paiement à la (soi-disant) performance aux paiements forfaitaires pour missions spéciales (dont je ne comprends même pas l'intitulé) en passant par une option démographique donnée sous conditions, transforme lentement mais sûrement les médecins que nous sommes en chasseurs de primes ou en vassaux serviles des politiques ?
Ma réponse est NON!
Si un jour, la médecine ambulatoire n'est plus qu'un vaste foutoir ressemblant aux fameux "central services" de Terry Gilliam dans Brazil, où les médecins n'exercent plus que selon des protocoles officiels, suivant des objectifs de santé publique définis par le gouvernement.
Si l'humain a finalement été définitivement éradiqué des procédures, si soigner une personne se réduit dans quelques années à suivre un algorythme et délivrer une ordonnance standardisée pré-établie, alors, je crois que je prendrai simplement la poudre d'escampette.
Il y aura bien de la place pour un médecin vraiment libre et vraiment libéral, dans ce bazar, non ?
Comme le rappelle fort opportunément Marc : " soyez résolu de ne pas subir et vous voilà libre !" (La Boétie)

11 commentaires:

  1. Bonjour

    Que retenir de positif?

    Ah si, que l'on apprend quelque chose en lisant le Quotidien du Médecin
    C'est une sacré nouvelle ;-))

    Marc

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  2. la deuxième info du QDM m'a tellement consterné que je suis resté sans réaction ...Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue."
    (Albert Einstein)
    j'y vais mes malades m'attendent ...

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  3. Bonsoir,

    vos inquiétudes et questionnements sont les miennes. Depuis un certains temps, je me demande vers quelle médecine le monde se développe (je dis bien Monde, car le changement est aussi en Allemagne et je pense partout dans le monde où u systhème de santé exsite). Je constate le lentement glissement de la "desertification" médicale avec son déficit chronique (encore faut-il savoir où les sous vont vraiment, comment est la somme entrant en coparaison de la somme dépensé pour les soins, le systhème de sante) vers un investissement privée où des hopitaux communal déficitaire deviennent rentable et avec une meilleure prise en charge médicale à moindre cout des assurances de maladie?!! C'est ce qu'on nous rabat ici, comme bouc-émissaire du déficiti sont nommé les médecins ne prescrivant pas assez de générique, les malades chroniques (qui seraient eux-même responsable de leur maladie et devraient donc payer seul leur frais médicaux!), les personnes âgées.

    J'ai lu, il y a un ou deux an ce livre "Ein Chefarzt klagt an: Von der Profitgier der Klinikbetreiber" de FRank König. Effroyable ce qui est décrit! Le mépris envers le malade qui n#est plus consideré comme une source de couts ou de gains, de rentabilité et qu'on (hopital, Assurance de maladie, médecin, personnel soignant) veut faire croire que c'est pour son bien, pour retrouver rapidement sa santé - alors que seul le CA et l'argent compte. CA ce n'est pas l'objectif de la médecine qui a un coté humanitaire qui n'est pas chiffrable en argent.

    Je me demande à quand la Santé sera coté en bourse comme le blé ou le pétrole?

    En tout cas, si la médecine arrivera à ce stade, je préfère aller voir un rabouteur, un charlatan au moins je sais que c'est une chimère.

    Quand aux CReusois, je ne pense pas que des médecins algériens et autres émigrés à statut incertain seront aacceptés. Déjà les habitant de la Haute Vienne sont des étrangers, n'en parlont même pas des autres Francais qui s'installent (ou le tentent) c'est quasiment des exotiques.

    Bon courage

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  4. Je ne sais pas vraiment où nos différents gouvernements veulent en venir avec leurs mesures et changements dans les systèmes de santé (à vrai dire ce qui m'inquiète c'est que je crains qu'ils ne le sachent pas eux-mêmes)
    En ce moment on assiste à un grand jeux de chaises musicales pour médecins: cette semaine une entreprise de "chasseurs de têtes" française recrute au Portugal des médecins pour aller travailler dans les hôpitaux et cliniques privées en France (en 1 semaine 250 inscrits... Il faut dire que depuis quelques semaines différents ministres ont carrément dit que les jeunes diplômés portugais feraient mieux d'émigrer!)
    Et pendant ce temps le Portugal négocie avec Cuba l'arrivée de médecins cubains pour venir travailler ici.
    Jolie histoire, non?

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    1. Bonjour Kyra.
      Effectivement, de changement de gouvernement en reniement... ils font n'importe quoi...
      Comment évolue votre propre situation?
      Courage pour les mois à venir.
      Amicalement.

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  5. Ah pour moi c'est toujours le suspens!
    mes "chefs" (qui sont des généralistes et luttent courageusement contre la technocratie du ministère) m'ont demandé de continuer comme si de rien n'était après le 31-12, ce contrat étant plus ou moins à tacite reconduction. Tout le monde veut que je reste (surtout que mon collègue portugais est parti dans une autre région et nous ne sommes plus que 2 pour 4 postes) mais il manque un cadre légal pour me faire un contrat!
    apparemment le ministère de la santé ne laisse plus faire de contrat individuel. Alors en attendant que ça se résolve mon ancien contrat court toujours... tant que le ministre ne l'a pas expressément résilié! Enfin je verrais bien à la fin du mois si mon salaire arrive!
    je suis plutôt optimiste surtout que tout le monde me soutient (population, municipalité, chefs) la gentillesse des portugais n'est pas un mythe!

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    1. Bon courage.
      En cas de problème, il reste la France. Il y a de la place dans les campagnes !
      Amicalement

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  6. Eh oui, l'arrogance des technocrates, l'arrogance des non médecins qui prennent leur revanche, l'arrogance des fonctionnaires, l'arrogance de l'Etat, contre une profession qui a toujours pris les choses de haut, qui a toujours pensé que la santé n'avait pas de prix, l'arrogance des médecins en quelque sorte, des médecins qui ont refusé la FMC sans sponsors, qui a fait des actes pour faire des actes.
    Fin de partie.
    Quand une révolution survient, et là un changement sociologique, avec un bulldozer, il vaut mieux être dessus que dessous.
    Mais nous sommes dessous. Mes 59 ans me sauvent.
    Amitiés et merci pour tous ces billets qui me donnent envie de connaître des collègues comme toi.

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    1. Oui, je pense comme toi que les médecins ont, collectivement, une part de responsabilité très importante dans ce qui arrive en ce moment.
      Mais cela n'excuse pas le comportement de nos adversaires.
      Enfin, malheureusement, il ne s'agit pas seulement d'un combat pour l'honneur, mais de l'avenir des soins en France et en Europe.
      Les patients en paieront le prix fort avec une qualité nettement moindre de leur système de soin dans quelques années.
      Amicalement.

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  7. Passage choisi du livre de Robert Escande « Médecin, quand reviendras-tu ? »
    J'ai longtemps hésité avant d'oser écrire ce livre. Comment résumer mes vingt armées d'installation en qualité de médecin généraliste à Saint-Étienne en Montagne ? Il s'est passé tellement de choses bouleversantes, qui ont changé à jamais la vie des habitants de cette paisible commune rurale, et la mienne. Vingt années entre le rire et les larmes, la joie et la détresse, le bonheur et la souffrance, entre la vie et la mort. Le quotidien en bref d'un médecin de campagne, dont le métier est aussi bien d'assister aux accouchements que de fermer les yeux des morts. La routine d'un travail déjà profondément complexe, et dans le contexte de l'installation à Saint-Étienne en Montagne, considérablement amplifié par la caisse de résonnance du désert médical du haut plateau ardéchois. Mes succès et mes échecs n'auront pas les mêmes conséquences sur cette terre oubliée des dieux, balayée par la Burle, coupée du monde par des mois de neige formant sur des routes déjà chaotiques des congères infranchissables. L'exercice de mon «art médical» n'aura pas la même incidence ici que dans ma ville natale, Marseille, baignée de soleil, sublimée par la Méditerranée, la plus belle des mers, et qui n'avait qu'un seul défaut à mes yeux, responsable de mon lointain exil montagneux : la surpopulation médicale. Ayant la phobie de la salle d'attente vide, situation que j'avais vécue en qualité de remplaçant pendant un an, j'avais pris le contre-pied absolu : j'irais m'installer dans le seul canton de France qui n'avait jamais eu de médecin !
    Situation alors inédite à l'époque, qui devint au fur et à mesure des années la dure réalité pour de plus en plus de campagnes.
    Situation soi-disant déplorée par nos élus, mais à vrai dire provoquée, soigneusement entretenue par une politique, une fiscalité et une pression administrative écrasante. En réalité, à toutes les échelles du pouvoir, on assiste à une démolition en règle des cabinets médicaux qui subsistent. Tout est fait pour leur substituer des «maisons médicales», où de rares permanences effectuées par des docteurs souvent étrangers, donnent à notre administration le sentiment du devoir accompli, et la jouissance d'avoir remplacé à bon compte des médecins libéraux jugés trop indépendants, pas assez serviles...
    Avant de franchir définitivement le pas, et en bon élève de ce que je pensais être à l'époque un comportement confraternel, j'écrivis au président du conseil de l'Ordre de l'Ardèche et aux médecins les plus proches de mon installation. Je leur faisais part de mon désir de venir m'installer en ce lieu, et de ma joie de pouvoir collaborer au suivi médical de cette population si éloignée des hôpitaux. Ils étaient tous étrangement distants de cinquante kilomètres, dans un canton ardéchois en contact de deux autres départements : la Haute Loire, et la Lozère. Sur un point de la carte, pas très loin du village, trois régions différentes se touchaient : le Languedoc-Roussillon, l'Auvergne, et la région PACA. Situation pour le moins écartelée, dont la bizarre impression de discordance était accentuée par l'extrême diversité du paysage, hésitant entre forêts denses et sombres de conifères dignes des Laurentides du Canada, et vastes steppes d'herbe rase balayées par des vents semblant venus de Mongolie orientale...
    Avant d'arriver à Saint-Etienne en Montagne, un panneau signalant le partage des eaux entre Méditerranée et Atlantique vous mettait en garde, à des centaines de kilomètres d'un quelconque littoral : la pluviométrie ici vous jouerait des tours...

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  8. Bonjour,

    en vrac : mais où sont les spécialistes de l'économie de la santé, savent ils au moins comment représenter économiquement "un bon état de santé", ils ne le savent pas et particuliérement sur les soins primaires et le suivi des patients. Partant de là cette médecine personnalisée et de proximité n'existe tout simplement pas à leurs yeux de picsou, la medecine generale n'existe pas dans les plans de nos capitaines car ils ne savent pas à quoi elle sert, impossible de la mesurer, un rapport coût/benefice ? impossible à faire (aah si seulement au niveau politique quand il n'y a plus personne pour assurer la "garde médicale" : c'est pour cela que il y a 10-12 ans avec les gréves des gardes ils se sont bougés)

    Les capitaines de nos services de tutelles sont des gros bétas qui ne sont jamais malades sauf à aller voir un spé de la préfecture régionale, proche CHU, le vaccin anti h5n1 dans les gymnases! encore de la même fibre, vraiment vraiment des mecs totalement incompétents pour ce qui est de l'organisation des soins primaires, ailleurs ils préférent rembourser pleins de médocs aux diabétiques plutôt qu'une consultation réguliére chez une diététicienne ... ça leurs paraît plus sérieux uhm uhm ! je tousse (et les labos-industriels disent merci)

    Pardon pour le ton débridé

    cordialement

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