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vendredi 4 mai 2012

Pot-pourri de printemps (vraiment pourri)

L'actualité est désespérante.
En Polynésie la situation s'est enlisée sur une demi-victoire (ou une demi défaite) des médecins avec la hausse administrative du tarif d'autorité. 90 % des libéraux sont toujours non conventionnés. Les patients sont désormais remboursés sur la base d'un tarif équivalent à environ 80 % du  tarif conventionnel.
C'est comme si en France le tarif de la consultation du MG était laissé libre et remboursé sur la base de 19 euros.

La hausse du tarif d'autorité a été assortie par le gouvernement d'une obligation de négociation entre les médecins et la caisse (CPS) et d'une date butoir au 30 juin pour cette négociation.
Les patients sont plus mal remboursés qu'avant et ne récupèrent pas pour autant la liberté de disposer de leurs cotisations sociales. Malgré cela, la grogne sociale s'est quelque peu calmée...
Les assurés se taisent. Les médecins survivent en diminuant fortement leur revenu et La CPS rembourse moins qu'avant et fait traîner les négociations. C'est bien normal, elle a tout à gagner à faire cela. elle fait des économies sur le dos des patients et des médecins, tout en continuant à se présenter comme le garant de l'accès aux soins pour tous...
Je parle de demi victoire pour les libéraux, car ils ont au moins retrouvé une parcelle de liberté et font moins de paperasse, même si c'est au prix d'une diminution importante de leur revenu. Quand on retrouve un peu de liberté, j'ai toujours tendance à considérer que c'est une victoire. Mais cette victoire a un goût un peu amer et parait cher payée. Et surtout, elle restera symbolique tant que les patients n'auront pas retrouvé leur liberté de cotisation.
Certains libéraux quittent le territoire. D'autres semblent prendre goût à cette liberté.
Et les négociations piétinent...

Ici aussi, la situation s'enlise.
Troufignan a obtenu le classement en zone déficitaire, de même que la vallée de la bidouille. St Frusquin, entre les deux, à quelques km à peine de Troufignan, a été classé en zone fragile, ce qui ne permet pas aux médecins qui y exercent d'obtenir les avantages tarifaires afférents aux zones déficitaires.
Quelle ironie, lorsque l'on pense que plus de la moitié de nos patients viennent de Troufignan et que nous soignons également nombre de personnes  de la vallée de la Bidouille.
Dommage, car des trois projets de MSP qui se construisent, le projet de St Frusquin, que nous soutenons est de loin le plus abouti. Trois médecins, une équipe para-médicale et médicale constituée et volontaire, un conseil municipal dynamique, ayant compris les problématiques des professionnels de santé, un terrain magnifique et extrèmement bien situé, un plan de masse accepté...
Mais voilà, politiquement, ce n'est pas le bon projet.
Je crois savoir que des personnes dolichobraches (au bras long) ont agit en haut lieu pour torpiller St Frusquin et ses médecins un peu trop indépendants.
En conséquence, si nous voulons un jour percevoir des nouveaux modes de rémunération nous permettant de poursuivre notre pratique de médecins de montagne, au service des populations locales et touristiques, nous voilà contraint de trahir à notre tour la confiance des élus de St Frusquin et de rejoindre le projet mal ficelé de Troufignan. Pas de terrain, pas de budget, conseil municipal atone et un vague projet de réhabilitation d'un batiment public, pas encore libre. Evaluation du projet : 2,6 M€ ! vous avez bien compris : 2 600 000,00 € !
Au delà du caractère profondément immoral d'un comportement qui consisterait à planter les élus de St Frusquin et les paramédicaux de l'équipe, pour quelques brouzoufs et les beaux yeux de l'ARS, il me parait évident que le projet de Troufignan va encore errer de nombreuses années avant de voir éventuellement le jour.
Allons nous lâcher la proie pour l'ombre, et lâcher les gens qui nous font confiance ?
En mon fors intérieur, ma religion est faite !
Nous ne toucherons donc pas les aides et finalement, c'est sûrement mieux ainsi.

"C'est sûrement mieux ainsi". C'est la conclusion que j'ai tirée d'une réunion avec un confrère de l'URPS et une juriste, venus tâter le terrain, essayer de comprendre pourquoi chaque village tire ainsi la couverture à soi. Non ce n'est pas un problème de médecin. L'entente est réellement bonne entre nous. C'est un problème de rivalité entre St Frusquin et Troufignan qui partagent pourtant la même station de ski. De sombres histoires de partage inégal des revenus et des frais de la station...des histoires anciennes qui ont appris à St Frusquin à se méfier de sa prestigieuse mais perfide voisine...
Au cas où les professionnels de santé parvenaient à se regrouper sous une forme juridique commune, un pôle de santé par exemple, et si ce pôle de santé était situé en zone déficitaire, il faudrait alors engager les démarches nécessaire à la perception des fameux nouveaux modes de rémunération. Paiements forfaitaires pour la coordination des soins et pour l'enseignement thérapeutique...
Et ces démarches, croyez moi, ce n'est pas de la tarte ! A tel point que nos confrères de l'URPS nous conseillent d'embaucher quelqu'un pour les faire. Une personne que l'on pourrait par exemple partager avec une autre maison de santé, qui convoquerait les patients, réserverait les salles, remplirait les dossiers de subvention (pardon, NMR), vérifierait la perception des sommes, partagerait ces sommes entre les différents intervenants ...
Au secours ! ils sont devenus fous !
Encore de la paperasse. Encore des démarches administratives. Encore des frais de personnel supplémentaires et des paiements dont la pérennité n'est absolument pas assurée.
Quand je pense qu'au 4 mai, après deux coups de fil, je suis encore en train d'attendre le paiement de mes astreintes des mois de février  et de mars (7 x 150 € et 6 x 150€, quand même) je me dis que ça va être "trop de la balle" lorsque la moitié de notre chiffre d'affaire sera constitué de forfaits ou de capitations...
"non, chuis pas au courant. La personne qui s'en occupe est en congé maternité !"
"pas payés ? c'est normal,   vous n'avez pas renvoyé le formulaire F 2548-c, on n'a que le F 2548-b !"
"Non, c'est pas not'faute ! on n'a pas reçu votre dossier, et puis maint'nant c'est trop tard !"
Vraiment, je sens qu'on va se RE-GA-LER !
Ce n'est pas mon genre, mais en quittant cette réunion, j'étais d'humeur sombre !
Pas l'ombre d'une lumière au bout du tunnel. La certitude de bosser comme un damné, et de batailler pendant encore des années contre une armée de jean foutres armés de formulaires et de taxes.
Finalement, tout se passe comme si l'argent public était toujours capté par les plus influents et pas par les plus méritants, pour être investi non pas sur le meilleur projet mais sur le projet le plus en vue au point de vue politique !
Dans ce système, les seules choses qui soit pérennisées, ce sont la gabegie et la spoliation.

Et ce n'est pas la prochaine élection de François Hollande qui  me met en joie. Les quelques propositions de son programme santé sont à pleurer pour qui connait un peu le terrain. Aussi déprimantes que celles des autres candidats...

Comme disait Jean Michel, un de mes patients que j'aime bien, avec son humour de biker :
- " Dans la vie il y a deux types de gens. Les gnous et les playmobils"
- " C'est à dire ?"
- " Ben les gnous, ils sont champions du grégarisme. Ils traversent chaque année le Serengeti de long en large, en un troupeau immense. Ils traversent les rivières, se font piétiner, bouffer par les crocos.. La moitié meurt de faim... mais chaque année, comme des cons, ils recommencent. Et puis il y a les playmobils. Ceux qui font du ski par exemple. Ils montent, et ils descendent. Ils montent, et ils descendent, ils montent, et ils descendent... Y'a rien de plus con quand même !"
- "OK, mais elle est où la différence entre les gnous et les playmobils ?"
- "Ben justement, y'en a pas, de différence !"
J'ai peur qu'il ait un peu raison. J'ai l'impression de vivre dans un troupeau de gnous ou entouré de playmobils.
Pas l'ombre d'une réflexion critique. Pas un soupçon de sens moral. Juste des murmures compassés, des ronds de jambe, des courbettes serviles (avec des dollars dans les yeux), des tractations en coulisse, des intrigues. La cour de Louis XVI.
Et le bon peuple des moutons de Panurge qui continue à se faire tondre la laine sur le dos en regardant les jeux du cirque et en espérant que le prochain berger soit plus tendre...
Il faut être con, quand même !
DEPRIMANT !

5 commentaires:

  1. Ouah , ça c'est un coup de gueule .

    Ce type de coup de gueule est nécessaire .

    Peut être qu'entre les gnous et les playmobils il existe une population autre comme celle représentée par " genoudesalpages"?
    Comme dirait un confrère, vive le web 2.0

    Bon courage

    Amicalement

    Marc

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    1. Ouais, vive Web 2.0, on prendra notre revanche ;-)

      En pratique, le Doc a fait le bon choix. Rentrer dans le circuit projetdébilesubventionné, c'est le meilleur moyen de couler, comme il l'a parfaitement pressenti. Le grand jeu, c'est de promettre des subventions indispensables à la viabilité du projet, puis à les couper au bout d'un an ou deux...

      La maison médicale Troufignan ne marchera pas et fera faillite. Les dolichobraches s'en tireront peut-être encore cette fois ci, mais cela ne durera pas éternellement. Il faut tenir bon en regardant passer les gnous et les playmobils. Sans médecins, les vallées sont mortes, c'est donc le Doc qui a le pouvoir. Pour l'instant, il ne souhaite pas s'en servir, mais ça viendra.

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  2. Je plussoie Dominique. Le système est vraiment à bout et même les gens de l'ARS s'en aperçoivent. Il va obligatoirement se produire un changement de système. A nous d'être là pour espérer le voir aller dans le bon sens.Tenez bon.

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    1. je suis completement ok , systeme à bout , va bien se passer qq chose!quant à être là pour l'aider à aller ds le bon sens , je n'y crois plus: ça bouffe trop de temps , seuls les institutionnels ont le tmeps de siéger aux multiples réunions.

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  3. Dans le livre "Praxis geschlossen" j'ai lu que le médecin devait suire une formation pour avoir le droit (de suivre la formation - là je ne suis plus trop sur, lu trop de livre entre temps) afin de faire la demander administrative pour des cures.

    Donc formation obligatoire pour obtenir le droit de remplir un dossire adminsitratif pour un malade. J'étais baf! Pas étonnant que le médecin en a eu ras-le-bol et cessé son activité. Dans ce livre, il décrit même la démarche un peu fumeuse de la succesion de son cabinet (apparemmnet, l'acheteur voulu ne peut pas touours être celui choisi par le vendeur).

    Celui qui parle l'allemand, lisez le, puisque écrit par un de vos homologues teutoniques.

    Bon courage

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