Premier contact

Le plus difficile c'est le premier billet, sans doute ?

Nul doute que je ne sais par ou commencer.

Comment t'expliquer ce besoin qui me taraude depuis des années de coucher par écrit ce que je vis, ce que je pense, ce qui me touche ou m'interpelle et ce qui m'horripile dans mon activité quotidienne de médecin « de base ».

Oui, j'ai dis médecin de base, car je suis généraliste et libéral, et le premier médecin que chacun rencontre dans son parcours de santé, cela reste le plus souvent le généraliste du coin, du moins, c'est encore comme ça dans nos zones reculées de montagne.

Le généraliste, c'est celui que nos technocrates voudraient transformer en spécialiste en médecine générale ou en dispensateur de soins ambulatoires... un genre de (sous)»officier de santé, à la botte, taillable et corvéable, bon bouc émissaire au dos bien large, pion que l'on déplace à loisir, grognard des soins primaires, poilus de la guerre de quarante (de fièvre) fidèles à leurs crétins d'officiers et aux politiques fous d'orgueil et de suffisance.

Non, moi, je préfère rester un médecin libéral, libre, un simple petit médecin dégagé, comme disais Desproges, à l'inverse des grands médecins engagés qui poussent le courage jusqu'à porter des sacs de riz devant les caméras.




Médecin engagé !

 

Je me vois en Han solo, aventurier grande gueule et vénal mais pas si vénal que ça tout de même, car n'est pas en pratiquant la médecine générale en franc tireur dans mon jimny millenium, aux confins de la galaxie française, sur la planète Tataouine, que l'on devient riche, cher lecteur.

Un homme qui a librement choisi d'être au service des autres, et d'en vivre honnêtement, comme un espèce de Robert de Niro en Harry Tuttle,  plombier indépendant au service des autres dans Brazil.

Nul doute que je finisse un jour comme lui, étouffé, phagocyté par la paperasse.

Ne t'attends pas à discuter philosophie avec Jean Bernard ou à deviser d'éthique avec un de nos barbons ordinaux.

Je te parlerai peut-être de la « fille à Sophie » ou des tiques, à la limite, celles que j'enlève à la pince. Je suis un homme basique, je te dis ! Un qui a les mains dans le cambouis.

Mais un qui résiste encore et toujours à l'envahisseur assiégé qu'il est par l'empire des sinistres de la santé, les « central services » des CPAM, les golgoths de l'ARS, la matrix de la HAS, celle qui formate, qui ne veut voir qu'une seule tête, les ronds de cuir de l'ASN...

Je lutte pied à pied, davantage contre la technocratie que contre la maladie, et vitupère l'époque, mais j'essaie envers et contre tout de continuer à faire mon travail au contact des personnes qui font notre monde, des gens extraordinaires et d'autres très ordinaires, des héros et des salauds.

C'est surtout d'eux que j'ai envie de parler, bien sûr, tels que je les vois, à travers le prisme de toute ma subjectivité, que je revendique, parce que c'est d'eux que je tire ma force et mes convictions. C'est eux qui m'amusent, m'intéressent, m'embrouillent, m'énervent, mais surtout m'émeuvent.

Bien sûr, j'ai (un peu) brouillé les cartes, changé les noms, les situations afin de ne trahir personne. Tu te reconnaîtras peut-être, cher lecteur, mais cela serait purement fortuit.

Alors, si ça te dis, suis moi pour un petit bout de chemin. Je ne te promet pas des lendemains qui chantent, plutôt « du sang, du labeur, de la sueur et des larmes »... des larmes de rage, mais aussi des larmes de rire.

Moi en tous cas, j'en verse souvent, et c'est heureux car un chemin uniformément pavé de drames et balisé de technocrates m'aurait fait « plier les gaules » depuis longtemps.