Le Conseil de l'ordre strikes back ! (2)

Quelques jours après ma petite lettre, je reçois une réponse du Dr DESASTREINTES du CDOM.

IL n'a pas aimé mon courrier !

Étonnant non ?

Voici sa réponse :

Ordre National des Médecins

Conseil départemental

du Jura-Atlantique

Docteur DE MONTAGNE

centre médical de St Frusquin la Montagne

99210 St FRUSQUIN

Machin la Grande, le 26 octobre 2010

Cher Confrère ,

Nous avons bien reçu votre lettre qui, au travers de vos propos révoltés et peu confraternels, laisse apparaître une certaine incompréhension des faits.

En premier lieu, nous connaissons fort bien vos secteurs de montagne, éloignés et désertifiés sur le plan de la population, mais également sur le plan de la démographie médicale. Nous avons fait face ensemble, aussi bien que possible, aux difficultés engendrées par cette pénurie de médecins, avec ses conséquences dans le domaine de la permanence des soins.

Vous ne devez pas étre sans savoir que l’action de l’Ordre dans ce domaine et dans ces hauts cantons a toujours été des plus attentionnées et empreintes de compréhension à l’égard des confrères de terrain, de leurs difficultés quotidiennes, et qui ont toujours su apporter leur dévouement et leurs compétences face à toutes les situations de détresse.

Le Conseil Départemental de l’Ordre n’est pas un tribunal exécutif , mais une Institution qui est là avant tout pour protéger les médecins et les conseiller !

Vous parlez de menaces envers les Docteurs LELONG et LEGRAND, mais c’est vous qui nous apprenez les raisons de l’indisponibilité de notre consoeur, Madame le Docteur LELONG, tout à fait inconnues à ce jour de l’Ordre. Le Docteur LEGRAND a été dispensée de garde d’une manière tout à fait légitime, à sa demande, pour une durée de 6 mois en raison de sa grossesse, mais nous nous devions de lui rappeler les règles en vigueur dans la mesure où son exemption des gardes médicales était limitée dans le temps.

Quant au Dr LEGRAS , agé de plus de soixante ans, il peut faire valoir, à dater du premier janvier 2011, son souhait de ne plus participer à la permanence des soins , en accord avec ses confrères et associés.

Vous parlez de mes «menaces grotesques, voire indécentes »…… Pour votre information personnelle, je voudrais simplement vous préciser certains points :

• je suis médecin généraliste comme vous, installé depuis 34 ans en zone semi-rurale ;
• j’ai soixante ans passés ;
• je participe à la PDS , en prenant mes gardes de nuit et de week end ;
• je suis médecin Sapeur Pompier urgentiste depuis 30 ans, confronté aux urgences sur le terrain tous les jours ;
• je suis médecin régulateur libèral au CRCA 15, et à l’origine de la mise en place de cet outil formidable pour que la permanence des soins fonctionne au mieux.

Malgré le temps, ma motivation à pratiquer mon exercice professionnel ne s’est pas encore effritée !

Certes, vous exercez une activité libérale qui vous laisse une certaine marge de liberté, de choix de travail ; certes, les difficultés actuelles du monde médical sont là et bien là.

La pénurie de médecins, la désertification des hauts cantons (générale sur l’ensemble du territoire) sont peut-étre les conséquences indirectes des orientations prises par les différents gouvernements , mais les patients sont toujours là et nous nous devons de leur apporter les soins demandés, dans la mesure du possible bien sur !

Mon courrier, en tant que responsable de la Commission ordinale des Gardes et Urgences, ne doit pas être interprété comme une injonction au travail, mais a été rédigé pour vous conseiller d’organiser la PDS entre vous, au mieux pour chacun, afin de vous éviter les réquisitions préfectorales, que nous avons toujours pu écarter à ce jour dans notre département.

Enfin, troisième et dernier point, les avantages du salariat semblent vous tendre les bras ; vous devriez changer de direction et aller rencontrer d’autres problématiques .

Restant à votre écoute, je vous prie de croire en mes salutations confraternelles .

                                                           Dr Jean-Aymar DESASTREINTES

Président de la Commission Gardes et Urgences

Adresse e.mail : Jura-Atlantique@66.medecin.fr

Adresse postale : B.P. 99022 - 99101 MACHIN LA GRANDE

Au delà des fautes d'accent dans le courrier, je retiens surtout que ce monsieur n'a pas compris que ce n'était pas de la mauvaise volonté, mais que nous étions véritablement à l’extrême limite de ce qu'il est possible de faire en matière de Permanence des Soins.

Comme le disait fort justement ma consoeur Jaddo ou le docteur Dominique DUPAGNE, on ne voit que ce que l'on veut bien voir. 

Et je crois que cela est d'autant plus fréquent et facile que votre interlocuteur est diplomate et use de termes châtiés. 

J'ai donc décidé d'arrêter la diplomatie (si si !), et je lui ai renvoyé une missive bien sentie qui l'aura, je l'espère, éclairé sur la situation réelle dans les campagnes. 

A bon entendeur ...

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Dr DE MONTAGNE 

Médecine générale - Médecine de Montagne

Centre médical de St Frusquin la Montagne

99210 St FRUSQUIN

                                                                            à  Dr DESASTREINTES 

                                                                                Président de la Commission Gardes et Urgences

                                                                                Conseil départemental de l’ordre des médecins du J.A.

St Frusquin, le 3 novembre 2010.

Cher confrère,

Je vous remercie de la réponse que vous venez de faire à ma lettre concernant la permanence des soins dans les hauts cantons.

J’ai bien pris note de votre participation personnelle à la permanence des soins et à votre implication dans la création de cet organe de régulation des appels nocturnes, le CRCA 15. Je vous en remercie également.

Pour avoir longuement connu la période où les appels n’étaient aucunement régulés, alors que je travaillais dans un autre département, et avoir souvent été sur le pont sans interruption des périodes des plusieurs jours en suivant, quasiment sans dormir, je sais apprécier le plus que cela représente.

Cela dit, contrairement à ce que vous affirmez, je vous assure que j’ai bien entendu votre message. Je crois que c’est vous qui ne comprenez pas la situation dans laquelle nous sommes, et les raisons de ma colère.

Jusqu’au début des vacances scolaires de noël, les secteurs de Troufignan et de la vallée de la Bidouille sont jumelés et 10 médecins sont disponibles pour les gardes, en comptant le remplaçant du Dr LELONG. Cela ne devrait donc pas poser de problème majeur.

Par contre, à partir du début des vacances scolaires, compte tenu de l’affluence touristique, les secteurs seront séparés et le secteur de Troufignan comptera… …5 à 6 médecins pour la permanence des soins, dont seulement 4 à 5 assureront les WE. (Le docteur LEPETIT n’étant pas équipé de table de radiologie, ne fait que des gardes de nuit, hors WE)

(La situation dans la vallée de la Bidouille est du même ordre, avec seulement quatre praticiens.)

De plus, un médecin ne suffisant certainement pas à assurer la permanence des soins en journée, en raison de la traumatologie du ski, que nous prenons en charge en grande partie, c’est à 3 que nous travaillerons chaque jour au cabinet, samedi et dimanche inclus, un week-end sur deux.

Pour chacun des intervenants, cela va donc signifier qu’il sera au travail, en plus de sa semaine, un week-end sur deux et sept à huit nuit par mois, et cela jusqu’en avril.

Pour un secteur qui atteindra fin décembre et quatre semaines en février mars, cent à cent cinquante mille personnes résidentes.

Lors de l’hiver 2008-2009, nous étions 9 (dont 8 faisaient les WE)

Lors de l’hiver 2009-2010, nous étions 7 (dont 6 faisaient les WE).

Cette année c’est seulement 5 médecins (plus le remplaçant du Dr Lelong ?) qui prendront le départ de cet invraisemblable marathon.

L’année prochaine, un autre (ou 2, ou 3 ?) d’entre nous devrait être parti(s).

Gageons que ce type d’exercice va sûrement attirer les internes que nous encadrons en ce moment.

Surtout avec des actes CCAM en panne depuis plus de 15 ans et une consultation toujours à 22 euros, des samedi après midi de garde toujours non indemnisés (en dépit des promesses), des charges et des impôts toujours en augmentation etc. etc.

Vous nous dites en outre que l’ordre des médecins a toujours su nous aider.

Comment ?

En nous prodiguant de bons conseils ? Merci de votre aide, elle est précieuse !

Excusez le sarcasme. C’est tout ce qu’il nous reste

Vous rappelez avec raison que le CDOM n’est pas un organe exécutif.

En l’absence de mesures concrètes, le CDOM, AURAIT PU NOUS AIDER en prenant simplement acte de notre très prochaine IMPOSSIBILITE de continuer à assurer la PdS, et en nous assurant de son soutien confraternel.

Au lieu de cela, vous vous retranchez derrière une loi scélérate, vous faisant le séide de cette technocratie qui depuis des décennies, « casse du médecin » et en nous rappelant qu’en cas de refus de ces cadences de travail dangereuses pour nos patients et pour nous-même, vous (ou vos maîtres) nous envoyeriez « la troupe » pour nous y contraindre.

Là, c’est moi qui ait des doutes sur votre confraternité.

Est-ce là la défense de la médecine et des médecins, dont vous vous vantez ?

Soyez assuré que les réquisitions préfectorales, loin d’assurer la PdS en nuit profonde, accélèreront la chute de la démographie médicale locale, en provoquant le départ des derniers « idiots » qui s’y collent.

En plus d’être inique, cette démarche sera gravement contre-productive.

Enfin, en réponse à votre suggestion de trouver un poste de salarié, je précise qu’à 46 ans, je participe depuis 25 ans sans interruption à la permanence des soins, d’abord comme externe, puis comme interne, puis comme médecin rural dans un autre département pendant 9 ans (avec une activité de médecin des pompiers), puis comme salarié d’une clinique privé, puis maintenant à nouveau comme médecin de montagne et Médecin Correspondant du SAMU.

Chacun de ces exercices a été très enrichissant à différents titres et je pense que le changement est, en lui-même, très mobilisateur.

Je n’exclus absolument pas de changer à nouveau d’activité. 

En effet, à l’instar de la plupart de mes collègues, je pense aussi que notre métier aura malheureusement totalement disparu des campagnes dans très peu de temps, et je travaille dès aujourd’hui à ma future reconversion.

Cette lettre n’appelle pas de réponse. Elle n’engage que moi, même si la plupart de mes confrères s’y retrouvent. Vous pouvez la communiquer à qui de droit, vous qui êtes dans les « hautes sphères ».

En ce qui concerne la Permanence des Soins, je continuerai à l’assurer tant que ma santé le permettra, mais je n’ai peut être pas votre résistance physique et morale….

C’est au médecin que vous êtes (et non au conseiller ordinal) que j’adresse mes sentiments confraternels.

Dr DE MONTAGNE

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Voilà ! 

Ça c'est fait !

J'espère que c'est clair maintenant. On va au carton mon cher confrère, et il est trop tard pour redresser la barre.